De mémoire d'ardéchois, les ânes ont toujours
accompagné les hommes dans les travaux agricoles.
Là où le cheval était trop cher, réservé
aux agriculteurs plutôt fortunés, la mule trouvait
sa place au coin de l'étable, coinçée entre
les 2 vaches et les quelques moutons.... Et puis, quand les pentes
devenaient trop prononcées, quand la place était
trop juste, l'exploitation trop petite, c'était Cadichon
qui devait assurer.
Ces temps-là ne sont pas loin, les derniers ânes
paysans ont quitté leur fonction voici quelques 30 ans,
en tous cas, dans les Boutiéres ardéchoises. Mais,
en tournant nos regards sur le continent africain, il nous est
difficile d'oublier combien il a sa place certaines fois.
Tout commence par la traditionnelle question: " Mais
de quel gabarit doit-on le prendre ? "
Pensez-vous qu'un homme de petite taille n'est pas capable
de manipuler la pelle ou la pioche !
Pour ma part, je ne crois pas, il vaut autant au travail qu'un
molosse, les manches en un peu plus court, et la technique différente.
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" Et faut-il un mâle ou une femelle ? "
Les deux vont bien, mon capitaine, tout est question de volonté,
mais à choisir, je prendrais un hongre.
Un entier n'est pas assez fiable dans sa tête du moins,
et si des fois une femelle croise à l'horizon, la belle
séance de travail aurait vite fait de se transformer en
périlleuse séance de ski nautique, Bourricot dans
le rôle du bateau, et notre ami paysan dans ceux conjugués
des skis et du skieur.
Quand aux femelles, résumons en disant que tout est
une question de cycle...
" À quel âge ? "
Reprenez les bouquins traitant du sujet asin, et rendez-vous
sur la page correspondante....
En fait, la traction n'est pas un effort traumatisant pour
l'organisme d'un jeune. On peut, sans problème habituer
un âne à tracter dès son plus jeune âge
( enfin faut pas pousser non plus ! ).
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Utilisons du bon matériel, et évitons de lui
demander de débusquer le chêne centenaire que la
dernière tempête a abattu. Un poids mort d'une dizaine
de kilos fera l'affaire, et n'oubliez pas, vous êtes là
pour lui expliquer le boulot, genre un apprentissage, alors bien
plus que l'effort à fournir, ce sera la sûreté
du pas, la recherche d'équilibre, le placement dans le
harnais, et la confiance dans son environnement qui seront à
privilégier. Au fait, l'environnement, c'est vous, vos
gestes et paroles, l'objet attelé, les bruits qui surprennent....
C'est de l'éducation aux forts accents d'un terrain de
jeu.
Et 18 mois, c'est pas mal pour commencer, en considérant
que le jeunot soit manipulé sans problèmes, qu'il
donne les sabots sans l'intervention du grutier du coin, ce qui
pourrait vous poser quelques problèmes quand il aura délicatement
enroulé ses traits autour d'un de ses boulets.
Et certains de se demander s'il y a un âge maximum.
Bien souvent, quand vient la retraite, c'est là que l'on
découvre les joies du jardinage... À son rythme,
tranquille... A 20 ans un âne peut très bien participer
aux joies du potager, mais il faudra penser à avertir
la cantine de l'usine, et préserver la pause syndicale.
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" Et au niveau matériel, que faut-il ? "
Et bien tout dépend de ce que l'on veut faire.
Dans un cadre strictement agricole, allant du travail de la
terre, au nettoyage de parcelles boisées, la base du harnachement
est le collier. Constitué d'attelles en bois ou fer, la
matelassure qu'elle soit de paille, ou de mousse, doublée
de cuir ou de toile devra être en parfait état.
Il en va du confort de l'animal, et si confort il y a, vous limitez
les risques de blessures et du coup une excuse de moins pour
que Robert, votre tractosino, cale tout les deux mètres.
Evitez donc la superbe affaire de Jean Grangetou, brocanteur
de son état, qui vous propose un magnifique collier miroir,
luisant et rutilant, pour une somme si modique qu'un collier
neuf vous paraîtra être en solde quand vous l'aurez
essayé...
Je ne sais pas, mais il ne me viendrait pas à l'idée
d'aller remuer la terre en souliers vernis alors qu'il existe
du matériel de qualité chez tout les bons fournisseurs
(voir en page matériel).
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La taille du collier dépend de l'encolure, le jeu de
collier en plus. Adressez-vous là encore à un professionnel
qui saura vous expliquer où et comment prendre les mesures.
Après le collier, qui se charge de répartir
l'effort de traction, viennent ensuite les traits. En corde de
chanvre (cela brûle moins que le nylon), en cuir (est-ce
vraiment utile en agricole ! ), en chaîne (à protéger
du corps de Robert, sinon il va encore caler), ou simplement
en sangles (tubulaire, Robert préfère, ça
marque moins), ils transmettront l'effet de traction au palonnier
(ou à l'arceau de traction).
La longueur des traits varie suivant la taille de l'animal,
mais une base de 1,5 mètre, complétée par
un morceau de chaîne destiné aux derniers réglages
constitue une moyenne pour un attelage au palonnier.
Pour un arceau de traction, des demi-traits suffiront.
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Nous arrivons maintenant au palonnier. Pièce de bois
ou de fer, d'une longueur d'environ 60 cm, il est équipé
de trois crochets. Les deux premiers, placés sur l'avant
et à chaque extrémité, reçoivent
les traits.
Le 3ème, situé à l'arrière au
milieu, sert à relier l'outil ou l'objet à tirer.
En place du palonnier, on utilise aussi l'arceau de traction,
ou renard, ou bricole. C'est un palonnier de fer, cintré,
et porté par l'animal. Plus de traits entortillés,
et des demi-tours possibles sur place, tout en continuant la
traction. Depuis le tire-bouchons, on n'avait rien inventé
de mieux.
Et voilà une bonne base de matériel. Bien évidement,
les jeunes seront habitués à la traction avec une
sangle nommée bricole qui passe au poitrail de l'animal.
Cela vous évitera d'avoir à dévaliser Jean
Grangetou de tout son stock de colliers.
Et voilà, Robert tout équipé, mais maintenant,
qu'est ce qu'on fait ?
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J'aurais presque le réflexe de vous dire que l'on peut
tout faire, en tous cas quand le couple animal-meneur fonctionne.
La principale difficulté au départ est de faire
comprendre à copain Bob que pour une fois, il va mouiller
sa chemise. Alors, tel un grand diplomate que vous auriez pu
être si la vie vous l'avez proposé, il va falloir
faire preuve d'une douce persuasion. La spécialité
de Robert, c'est d'essayer de nous faire croire que l'effort
à fournir n'est pas à sa portée.... Quel
farceur me direz-vous ! Eh bien non, il s'agit en fait de la
formidable humilité qui caractérise nos oreillards
de compagnons. Alors, foncez chez Jean Grangetou, et prenez lui
le gant en fer de l'armure qui trône à l'entrée,
et le gant de velours situé dans la belle malle aux trésors
que sa grand-mère lui a laissée en héritage.
Enfilez tout ça dans l'ordre d'apparition, et retournez
sur le terrain.
Quand enfin Robert a compris, ou plutôt quand vous comprenez
qu'il a compris, car lui, tirer, il a toujours su faire, vous
vous rendrez compte que bien souvent, la puissance de l'âne
est limitée en premier par sa motricité. Comment
voulez-vous avoir de l'adhérence sur ces quatre petits
sabots. C'est un peu comme un gros diesel à 4 roues motrices,
tractant son poids dans des dunes et équipé de
pneus de mobylette. La farce saute aux yeux, mais pourtant avec
l'expérience, Robert reculera les limites de la perte
d'adhérence, en modifiant son équilibre, et si
en plus vous avez su lui fournir du bon matériel, et effectuer
les bons réglages, vous devriez rapidement voir le changement.
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En fonction des sols, un âne parvient sans problème
à effectuer des labours, sur une profondeur de 10 à
15 cm. Le soc de la charrue ne devra pas dépasser les
8 pouces, et en cas d'ouverture d'un terrain enherbé,
les pauses seront fréquentes. Mais la maniabilité,
la qualité du travail, et le plaisir seront bien au rendez-vous.
Ne rêvez pas, vous n'aurez jamais la puissance d'un autre
équin, ou d'une paire de boeufs, mais votre motoculteur
pourra rejoindre la boutique de Jean Grangetou.
En sol granitique, à forte teneur en sable, c'est un
âne attelé seul qui s'occupe de nos labours. C'est
encore lui qui herse, bute, et arrache. Et en laissant de côté
les notions de plaisir, et sur mes terrains en terrasses, c'est
un maximum de surface qui est ainsi travaillé, soit 10
% de plus qu'au motoculteur.
Si en plus, après quelques bonnes heures de confidences
au coin du potager, Robert vous obéit du bout des doigts
ou mieux, à la voix, vous comprendrez comment on peut
être producteurs de petits fruits et plantes aromatiques,
mener son exploitation en traction animale, et jurer par Toutatis
que rien ne vaut un âne sur les Chambas d'Ardèche.
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Il en va de même pour le
bois. Et voici notre Bob, fort à la besogne, traînant
sans complexe le bois de chauffage de son cruel patron. Là
encore, on oublie le chêne centenaire, et on vise plutôt
des grumes en proportion avec notre timberbob. La taille de ces
dernières dépend d'une multitude de facteurs: la
pente (montée ou descente, dévers), la nature du
sol (pierres, boue, herbe...), le type de bois (résineux,
feuillus) et l'état de la pièce à tirer
(présence de branches...). Alors, à quoi bon parler
de poids, de cubage ou autres. C'est à vous d'apprécier
au mieux les possibilités de votre Robert. |
N'oubliez pas que comme pour lui, votre expérience
et votre technicité feront 50 % du travail.
Alors partez sur le terrain, demandez conseil, faites des
stages ou une formation, mais plus que jamais, ne mettez pas
la charrue avant Robert, ça fait désordre.
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Voyez un fabricant de matériel qui construit
des outils agricoles : PROMMATA |
Visitez aussi un passionné d'attelage agricole
avec ânes : Mandozaïna |
et bien sûr l'auteur de cet article : Lionel,
des Chambas de Molines |
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P.S.: l'auteur remercie
par avance les Robert et les familles Grangetou pour leur participation
bénévole à l'écriture de cette approche
de la traction asine... |
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